Depuis quelques années, la relation toxique est à son heure de gloire : du conjoint au patron, en passant par le parent, la meilleure amie, le collègue, la belle-sœur, on fait la chasse aux pervers, narcissiques, manipulateurs, harceleurs, sadiques, paranoïaques et êtres malsains en tous genres. Les conseils, bouquins, vidéos et podcasts se multiplient pour aider les personnes victimes à essayer de s’en sortir.
Qu’est-ce qu’une victime ? Quand sommes-nous victimes ? Peut-on être victime tout en ayant une responsabilité dans la situation que l’on vit ?
De quoi, de qui sommes-nous victimes ?
Le CNRTL précise la différence entre la victime de quelqu’un la victime de quelque chose. Une victime pourrait alors être une « personne qui souffre du fait de quelqu’un, qui subit la méchanceté, l’injustice, la haine de quelqu’un » mais aussi quelqu’un « qui subit les conséquences fâcheuses de ses actes, de sa propre nature ou de ses propres passions ».
Dans une relation toxique comme dans n’importe quelle relation, j’ai la pleine responsabilité de la façon dont je prends (ou en prends pas) ce que l’on me propose. Je peux accueillir, c’est-à-dire prendre en moi ce qui m’est proposé, mais je peux aussi l’esquiver, le renvoyer à l’autre, le laisser couler à mes pieds.
De fait, les personnes toxiques ne le sont pas pour tout le monde. Et si elles n’ont pas de pouvoir sur certaines personnes, si elles ne « s’attaquent pas » à certaines personnes, c’est bien que ces personnes ne laissent pas entrer en elles le venin qui va attaquer et enchaîner celui ou celle qui en deviendra victime.
La toxicité est potentiellement partout
Le toxique lance une graine. Selon le terrain où elle atterrit, il va naître une relation toxique ou pas. Si le toxique est pervers, il ne cherchera que des terrain où sa toxicité est active. S’il est simplement autocentré (s’il cherche simplement à nourrir ses besoins), il aura des relations normales avec un tas de gens, et des relations toxiques avec les personnes qui « veulent bien » (de son point de vue, car les dites personnes ressentiront plutôt un absence de choix) le nourrir dans ce qu’il cherche.
Nous sommes tous, à un moment ou un autre, toxique pour quelqu’un qui n’ose pas nous dire non, qui ne sait pas comment se positionner face à nous, qui ne comprend pas notre démarche et se laisse entraîner malgré lui. Si cela arrive une fois, la chose est vite nettoyée mais si la relation est basée là-dessus, vous êtes peut-être toxique pour quelqu’un sans le savoir…
Autrement dit, ce qui fait la toxicité du lien qui nous relie, c’est plus la façon dont l’autre prend le comportement de l’un que ce comportement en lui-même.
Ouvrez-vous la porte de votre maison à la toxicité ?
Alors suis-je en train de dire que finalement, la toxicité vient de la victime ? Non, mais elle atteint la victime parce que la victime laisse la toxicité s’écouler jusqu’à elle et s’immiscer en elle. En réalité, elle a le pouvoir de ne pas se laisser polluer par l’autre. C’est ce pouvoir qu’on appelle la responsabilité.
Comment ne pas se laisser polluer ? En identifiant ce qui se joue entre le manipulateur et soi et en en extrayant la substantifique moëlle, le message sous-jacent.
Exemple : Mon patron s’acharne sur moi, il m’humilie en public, me fait faire des choses insensées et me les reproche ensuite devant les collègues. Tandis qu’à eux, il ne demande rien de la sorte.
Analyse : il (sujet) s’acharne sur moi (objet). Cette phrase appartient à sa vie à lui : c’est lui le sujet et moi l’objet. Si je ne la retourne pas dans l’autre sens pour prendre en main ce qui appartient à ma vie, je deviens l’objet de son acte. Je vis à la voie passive : je (sujet) suis harcelée par lui (agent).
Mais si je retourne la phrase dans sa dimension active, je reprends le pouvoir qui me revient, je prends responsabilité dans la situation : je [???] son acharnement sur moi.
Quel verbe inscririez-vous à la place des points d’interrogation ? Tout dépend de vous. Vous êtes le sujet, celui qui agit. Attention, il est interdit d’utiliser l’auxiliaire être et retomber dans la voie passive !
Allez-vous « accepter » ou « vous opposer » à son acharnement ? « Eviter les salves » ou « recevoir » son acharnement ? « Lui renvoyer » ou « intégrer en vous » son acharnement ? «
On n’est touché par les comportements des autres que s’ils atteignent en nous des zones à l’abandon, des parties de nous que nous n’avons pas construites, que nous avons laissées en friche, dont nous n’avons pas pu nous occuper. Pour des raisons x ou y, peu importe. Le fait est qu’à cet endroit, nous sommes « creux », nous sommes « en manque ». Et c’est pourquoi nous accueillons l’autre qui, souvent, va bien en profiter…
Se construire intérieurement pour repousser la toxicité
Vous serez sorti du lien toxique qui vous relie à la personne qui vous manipule le jour où vous serez capable de travailler avec lui/elle sans aucun effort, le jour où vous le regarderez avec l’empathie qu’on réserve aux personnes faibles, malheureuses, inaptes. Aux enfants qui n’y arrivent pas. « Pauvre petite fille aux allumettes », disaient les passants.
Comment réussir ce tour de force ? En remplissant les espaces vides que vous avez laissés en vous. En construisant en vous ces zones que vous avez laissées en friches pour de très bonnes raisons mais dont il est aujourd’hui temps de vous occuper. Et cette personne qui vous maltraite, vous pouvez choisir d’en être sa victime, mais vous pouvez aussi entendre le message qu’elle vous envoie : « regarde le pouvoir que j’ai sur toi, c’est l’image exacte du pouvoir que tu peux construire en toi dans cette zone intime que tu as oubliée ».
Alors n’attendez plus, faites de vous le sujet de cette relation, partez en quête de vous-même, construisez votre cathédrale intérieure, vous reviendrez bientôt remercier votre agent toxique d’avoir mis les projecteurs sur ce qui vous manquait pour compléter votre construction personnelle.
Apprenez à lire le Miroir que la vie vous offre !