Il me semble que, dans l’abandon d’un projet qui nous tient à cœur, ce qui est difficile n’est pas tellement d’abandonner le projet en lui-même mais d’abandonner le regard que nous portons sur notre vie qui rend ce projet si important.

D’une certaine façon, si nous abandonnons le projet sans abandonner le regard qui va avec, alors c’est non seulement une grande souffrance mais aussi tout à fait inutile car nous irons reconstruire un autre projet similaire ailleurs, plus tard, différemment, au point que nous ne verrons pas que c’est « le même », qu’il porte la même mission, et que s’il ne marche pas, c’est bien plutôt que nous nous trompons de mission, pas tellement de projet. Nous nous trompons de mission.

La mission est ce qui sous-tend le projet, ce qui rend le projet nécessaire, ce que nous souhaitons réaliser à travers ce projet. Beaucoup de projets reconnus socialement peuvent s’avérer être totalement contre nos chemins de vie. 

En fait, si on lâche le projet sans lâcher le regard, alors oui on abandonne et c’est tragique. Et c’est vrai qu’il ne faut jamais abandonner quand on regarde dans la bonne direction. Même si c’est dur et paraît insurmontable.

Mais si on lâche le regard, alors on n’abandonne rien, car le regard se pose ailleurs, on change simplement de direction. On se redirige. On lâche un chemin qui n’est pas le nôtre pour nous rapprocher de notre itinéraire juste.

Quand on lâche un projet en tenant le regard, le projet tombe dans le caniveau et disparaît. C’est le drame.

Quand on lâche le regard qui sous-tenait le projet, il ne disparaît pas, il se pose ailleurs.

Alors il n’y a pas de drame, il y a simplement la joie profonde d’avoir réussi à se détacher d’un aimant qui nous était fatal. Il y a la victoire d’avoir sauvé sa peau d’une mauvaise passe. Il y a l’apaisement d’avoir évité un danger.

C’est le cœur qui doit nous inciter à poursuivre ou lâcher, le cœur sait ce qui est bon pour nous. Si nous écoutons notre cœur, nous n’abandonnons rien, nous honorons notre chemin dans ses méandres.