Pourquoi a-t-on peur ?

Ca, on le sait tous : la peur est là pour nous prévenir du danger.

Alors pourquoi a-t-on parfois peur de choses qui ne sont pas dangereuses ?

Facile aussi : notre cerveau reconnaît des schémas qui se sont avérés dangereux dans le passé, ou qui nous ont été présentés comme dangereux dans le passé.

PEUR DE L’INCONNU ?

On dit facilement que l’inconnu fait peur et c’est souvent la raison qui est mise en avant pour expliquer les freins au changement. On aurait peur de sortir de nos habitudes, de se retrouver dans des situations que nous ne connaissons pas, de changer l’image que nous avons de nous-mêmes.

Je crois que c’est un raccourci d’analyse.

De l’inconnu on n’a pas peur ; de l’inconnu on est curieux.
Mais du « mal connu » qui pourrait ressembler à un potentiel danger, lequel serait connu, ça oui on peut avoir peur.

De quelque chose dont on ne connaît absolument rien, on n’a aucune raison d’avoir peur.

Regardez : pourquoi avez-vous peur de manger un champignon trouvé en forêt ? C’est que vous savez déjà qu’un champignon peut rendre malade. Si vous n’aviez jamais entendu parler de champignons vénéneux, en auriez-vous peur ? Probablement pas. Vous seriez curieux de savoir quel goût il a.

De même, ce n’est pas du requin que nous avons peur mais de sa propension à manger des humains. Parce que nous savons « déjà » que des requins ont « déjà » mangé des humains. Ca s’est « déjà » vu.
Rares sont les gens qui ont peur des rochers car on ne connaît pas de rochers qui mangent les humains.

C’est ainsi aussi qu’on a peur du noir.
Le noir en soi est reposant. D’ailleurs, on y dort.
Mais le noir « recelant potentiellement des bêtes à crocs susceptibles de nous blesser », celui-là peut nous faire peur.

LA PEUR VIENT DE L’IMAGINATION

Ce dont nous avons peur, c’est donc de ce « qui pourrait se passer ». Pas de la chose « qui se passe », mais de celle « qui pourrait se passer ».

Si la chose se passe, nous n’avons plus peur, nous gérons l’urgence : continuer à respirer malgré la jambe dévorée, maintenir les doigts accrochés à la paroi de la falaise, continuer son discours devant l’auditoire dépité, garder la tête haute au milieu de la colère du patron…

Nous sommes toujours dans la peur du futur. Lequel, comme chacun sait, n’existe pas. Seul le présent existe, et c’est lui qui définit le futur.

Alors voilà : nous avons peur de ce que nous imaginons pour le futur, qui pourrait se passer, parce que nous savons que ce possible s’est déjà produit dans la passé, et nous postulons qu’il pourrait se reproduire au présent.

Nous avons peur de ce qui se passe dans notre tête.

PEUR JUSTIFIEE / PEUR INJUSTIFIEE

En général, nous savons très bien faire la différence en un danger réel et un danger supposé.

Le danger réel nous fait immédiatement passer à l’action : nous nous dressons devant lui, nous fuyons, nous l’amadouons… Nous agissons avec pertinence.

Quand le danger est provoqué par l’imagination, nous ne passons pas à l’action, nous observons. Nous observons… non pas le danger (ce qui serait intelligent) mais notre peur elle-même !

Une peur provoquée par un danger réel n’a pas besoin d’analyse pour être identifiée : nous savons immédiatement de quoi nous avons peur. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, on pourrait porter plainte au bureau des émotions pour service mal rendu ! Que signifierait qu’on nous ait doté d’un radar pour évite les dangers s’il nous fallait trois ans d’analyse pour identifier où et de quelle nature est le danger ? Une peur justifiée est toujours identifiable immédiatement.

Si bien qu’on peut être sûr que, quand on a peur de « je ne sais pas quoi », c’est qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur.

Alors il faut chercher la raison de notre inaction ailleurs.

TU AS PEUR OU TU N’AS PAS ENVIE ?

Le thérapeute pose souvent cette question : de quoi avez-vous peur ? Que craignez-vous ?

Je vous invite à répondre à cette question en replaçant l’émotion à l’endroit juste : « Peur ? Non, je n’ai pas peur. Simplement, je n’ai pas envie. »

Pas envie que mon patron me refuse ce que je lui demande, pas envie de modifier l’image que je me suis forgée de moi-même, pas envie de me retrouver seule si je quitte mon mari. »

Pourquoi n’ai-je pas envie de tout cela ? Parce que ça risque de me placer devant mes limites et que, pour dépasser ses limites, il faut aller contacter l’énergie de la colère. Or la colère, personne ne nous a appris à en faire bon usage. Nous la vivons comme une meurtrissure. Alors forcément, on n’a pas envie d’y aller.

Et c’est ce gouffre-là qui nous fait peur. Le sentiment que nous allons nous retrouver devant la fin de notre monde sans les outils pour l’agrandir.

Pourtant, les outils, nous les avons. Et si nous acceptons l’idée que nous n’avons pas peur, nous pouvons les contacter.